Les outils du cinéma : machines à rêves ?
© Stéphane Dabrowski / La Cinémathèque française.
Une invitation à rêver et à remonter le
temps, voilà l'ambitieuse tâche que s'est fixée la Cinémathèque française avec
son exposition "De Méliès à la 3D : la machine cinéma", qui se tient
du 5 octobre 2016 au 29 janvier 2017.
Attention, ne
pensez pas qu'après votre visite vous ressortirez plus au fait des techniques
cinématographiques. Le peu d'explications, le plus souvent compréhensibles par
les seuls initiés, ne vous en apprendront pas plus.
Il faut
cependant dépasser les interrogations ressenties au milieu de tous ces
appareils dont on ne comprend pas bien, pour certains, l'utilité et le
fonctionnement. Car la magie du cinéma opère !
Le cinéma sur un plateau
Avec cette
singulière exposition, la première du genre, le visiteur se trouve comme immergé
sur un vaste plateau de tournage au milieu de caméras, projecteurs,
haut-parleurs ou autres tables de montage. 120 ans d'inventions techniques au
cinéma et de métamorphoses de l'image se déroulent ainsi sous nos yeux à
travers 250 objets.
Car c'est bien
l'atmosphère d'un plateau de cinéma qui se veut reproduite ici : matériels,
sons, projections de films de diverses époques. La muséographie entend rendre
vivant et vibrant le cheminement du visiteur à travers l'histoire.
Bien sûr, nous
sommes loin de l'effervescence d'un tournage, mais cette véritable caverne d'Ali
Baba est une formidable occasion de voir des objets souvent très beaux et
rarement exposés.
Alors visiteurs,
fermez les yeux et voyagez dans le temps. Voici le moment rêvé de se glisser
dans la peau d'un réalisateur ! Au milieu de toutes ces machines, plaisez-vous
à vous imaginer en Polanski (parrain de l'exposition), Lumière ou autre Truffaut,
en train de tourner un chef-d'œuvre. Tandis que cette impressionnante caméra projette
un extrait du Mépris de Godard, entendez
ce bruit de pellicule délicieusement suranné que l'on croirait sorti d'un autre
âge tant le numérique a, de nos jours, pris le pas.
Une technique artistique
Non la
technique n'est pas synonyme de froideur. La beauté de nombre de ces trésors
est frappante. Le cinéma est un art où l'esthétique tient une place importante.
"J'aime
la technique que je ne différencie pas beaucoup de l'esthétique", disait
Godard. Ces machines, qui sont de petits bijoux de technologie, n'ont pas
seulement une fonction de support. Elles sont les instruments de l'imagination,
la mise en œuvre du génie créatif des réalisateurs, tels le pinceau et la toile
pour le peintre.
Qui
aurait cru que ces objets tout de bois, métal ou autres vis constitués
pourraient procurer autant d'émotions. Ces appareils ont tout d'abord une esthétique
qui relève parfois du design voire de l'artisanat d'art. Le visiteur, qui a la
possibilité d'entrer au cœur de la machine et de ses ingénieux mécanismes, a le
sentiment unique de se trouver face à des œuvres d'art, véritables incarnations
du Beau.
Le
saisissement est d'autant plus grand que ces objets ont fait l'histoire du
cinéma : vous ne pourrez qu'être éblouis devant la caméra de Méliès qui a
ouvert la voie aux effets spéciaux ou encore la caméra Technicolor du Magicien d'Oz de Fleming, qui a
révolutionné la couleur au cinéma.
Le cinéma réinventé
L'Histoire est
faite de rebondissements et de bouleversements permanents. Le cinéma n'en est
pas exempt, bien au contraire. Les films projetés au gré de l'exposition en
sont la parfaite expression. On s'amuserait ainsi presque du décalage qu'il
peut y avoir entre le Voyage sur la Lune
de Méliès et la 3D du Gravity de
Cuaron.
L'évolution
technique a permis d'ouvrir la voie à de nouvelles esthétiques, à des formes
inédites mais aussi et surtout à la production de films de plus en plus
audacieux. La Cinémathèque met ainsi l'accent sur l'importance de ces
"réalisateurs-techniciens" qui, pour aller jusqu'au bout de leurs
idées, ont sublimé la technique en demandant la création de machines
spécifiques. Vous serez ainsi étonnés de tomber nez à nez avec une torpille, en
réalité une caméra sous caisson étanche créée spécialement pour Océans de Perrin.
Le
cinéma se réinvente ainsi sans cesse pour aller toujours plus loin, être au
plus prêt de la réalité. Le spectateur est ainsi actif et a l'impression de
participer à ce qu'il voit.
L'évolution
des techniques au cinéma a pour conséquence de rendre le film le plus immersif
possible. Gravity en est un exemple
frappant : la sensation d'oppression ressentie par le spectateur au milieu de
l'immensité spatiale est saisissante. Et que dire de ces films de guerre où le
spectateur se retrouve au milieu des soldats, ressentant ainsi toute l'horreur
des combats.
Au
travers de ses moyens techniques, le cinéma est un art qui questionne notre
relation à l'autre, le monde où l'on vit, tout en procurant un indéniable
plaisir esthétique.
Toutefois,
à vouloir rendre les films toujours plus réalistes et immersifs, grâce à une
technologie toujours plus poussée, 3D et réalité virtuelle en tête, une question
vient à l'esprit : le cinéma d'aujourd'hui ne laisse-t-il pas de côté ce
délicieux pouvoir de l'imagination si prompt à nous faire rêver ?
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